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Discours du Président de la République, François Hollande - Sommet mondial pour Open Government Partnership

François Hollande|

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Paris Salle Pleyel - Mercredi 7 décembre 2016

Mesdames et Messieurs, Chefs d’Etat, de gouvernement,

Mesdames et Messieurs, représentants des nombreux pays associés à ce sommet pour un gouvernement ouvert,

Mesdames et Messieurs les élus, les représentants de la société civile et des personnes engagées,

Cher Manish BAPNA, avec qui nous avons co-organisé le Sommet.

Je suis ravi de vous accueillir à Paris pour cet événement international. Je voudrais vous rappeler qu'il a été lancé par Barack OBAMA - c'est pourquoi il sera émouvant et intéressant de l'entendre lorsqu'il s'adressera à vous lors du sommet.

Ce sommet fait suite à d'autres avant qui ont créé de nouveaux champs pour la participation civique, fourni aux citoyens de nouvelles façons d'être représentés et même changer la décision publique. Les sommets ont fait pression sur les gouvernements pour qu'ils soient sans doute plus ouverts, nettement plus transparents et, dans le même temps, davantage tenus responsables de leurs actes chaque fois qu'ils mettaient en cause un certain nombre de relations entre les États et les citoyens.

Ce sommet se tient dans un contexte particulier. Je ne parle pas seulement de la situation dans le monde, avec ses conflits, ses crises, le terrorisme. Je parle de ce qui peut menacer la démocratie elle-même pendant une période dans laquelle la démocratie semble fragile et pourtant si précieuse. Ce qui se passe dans le monde avec ses multiples défis, les extrémistes de toutes sortes, même dans les déclarations d’agents publics, montre que rien n’est complètement acquis à la démocratie, qu’elle n’est pas définitivement installée.

La démocratie est une lutte, c'est un mouvement qui doit être soutenu. C'est quand la démocratie croit qu'il va de soi qu'elle n'inspire que l'indifférence.

Des signes avant-coureurs existent depuis longtemps : l'abstention lors des des élections, le retrait civique d'une partie des jeunes, la montée du populisme, le sentiment que la démocratie n'est pas nécessairement le système le plus efficace pour préparer l'avenir. Il y a une sorte de lassitude au sein des démocraties qui existe depuis longtemps, depuis deux voire trois siècles. Dans les pays les plus émergents, on pense que la démocratie ne constitue pas nécessairement le point culminant de leur développement. Et il y a ce qui épuise la démocratie : la corruption, et parfois le manque de libertés fondamentales et de pluralisme.

A côté de ce risque de mise en péril de la démocratie dans son essence même, il y a aussi des raisons d'espérer. Il y a des exemples d'intervention civique, de mobilisation citoyenne, c'est ce que vous représentez ici aujourd'hui. Au-dessus et au-delà des chefs d'État et de gouvernement et des ministres qui sont ici - que je salue - il y a les citoyens, les innovateurs, les organisations non gouvernementales, les élus qui s'impliquent pour développer et réinventer notre démocratie, pour que les aspirations des citoyens peuvent être entendues haut et fort.

Nous avons également la preuve qu'une telle mobilisation et participation civique peut conduire à un réel changement : les médias mettent à jour des documents révélant des impôt l'évasion fiscale, par exemple, qui a permis aux chefs d'État et de gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre la fraude fiscale ou l'optimisation fiscale dans les organisations internationales. Sans ces médias, ces dénonciateurs, la pression nécessaire pour découvrir une telle corruption n'aurait peut-être jamais vu le jour.

Il y a aussi des développeurs volontaires qui font leur transparence outils dont dispose leur administration pour lutter contre la corruption. Il y a des villes, comme Paris, mais aussi bien d'autres dans le monde, qui invitent les habitants locaux à participer à la gestion d'une partie du budget. Il y a des citoyens en Amérique latine, en Europe, en Asie, partout, qui sont impliqués dans la création fondamentale du droit. Il y a des développeurs qui créent des applications qui permettent à tous les citoyens de comprendre précisément ce que représentent les dépenses publiques et où elles vont.

Ce sont des expériences dont nous aimerions parler. Ce que la technologie numérique a considérablement changé, ce que la numérisation de nos sociétés a permis en termes d’expression et de profonds changements dans les relations entre l’État et les citoyens.

Vous êtes ici aujourd'hui, à Paris, pour échanger, discuter, construire de nouvelles coalitions, proposer de nouveaux outils, afin que la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens puisse être modifiée, afin qu'une nouvelle démocratie puisse émerger.

Une démocratie dans laquelle l’État, l’administration et les pouvoirs publics peuvent être ouverts à toute initiative, à tout talent souhaitant apporter sa contribution. Dans lequel l'innovation peut être présente partout, à la fois pour améliorer la performance publique mais aussi pour favoriser une réelle compréhension des actions de ceux à qui un mandat donné par la population a été donné pour prendre des décisions.

Une démocratie qui garantisse que les gouvernements, les élus et les fonctionnaires ne servent réellement que l'intérêt général; qu'ils sont honnêtes, responsables et responsables, que l'on peut évaluer leur action et qu'ils peuvent alors être fiers de ce qu'ils ont accompli et des engagements qu'ils ont pu tenir. Une démocratie qui inspire la confiance et qui laisse de côté l’indifférence et le défi.

C’est pour rassembler et soutenir tous ceux qui partagent cette vision, pour encourager de nouvelles initiatives, que le Open Government Partnership a été créé: pour mettre en commun les expériences de nos sociétés. Depuis 2011, nous avons parcouru un long chemin: le partenariat est passé de membres de 8 à 70 en moins de cinq ans et a permis à des dizaines de gouvernements de collaborer avec leur société civile. Les engagements 2,500 ont été maintenus dans les plans d’action 135. Nous sommes réunis ici aujourd'hui non seulement pour examiner ce qui doit être fait, mais également pour évaluer ce qui a déjà été fait.

Dès ma prise de fonction, en 2013, j'ai voulu que la France rejoigne le mouvement pour que nous puissions aussi contribuer et montrer des exemples de transparence de notre pays, de participation citoyenne, de la probité de ses dirigeants, par la transparence de son administration, et du partage des données. Pour que la France puisse continuer à être exemplaire, et dans la mesure du possible, avant-gardiste.

Les données publiques ouvertes sont donc devenues un principe fondamental dans tous les secteurs de l'action gouvernementale. Une haute autorité pour la transparence de la vie publique a été créée. Les élus et responsables publics de 14,000 doivent communiquer leur déclaration de richesse et leurs intérêts, ceux des parlementaires sont publiés et les règles déontologiques ont été fixées et soumises avec le plus grand scrupule.

Nous avons également adopté une loi de protection des lanceurs d'alerte qui fournit un cadre aux groupes de pression, crée un répertoire public et institue une agence de lutte contre la corruption - elle sera mise en œuvre début 2017.

Ce engagement pour une démocratie plus transparente, plus ouverte, plus participative fait partie de ce que devrait être l'engagement politique. C'est ce qui doit animer l'engagement politique, être source de fierté, le réhabiliter aux yeux des concitoyens, leur montrer qu'il s'agit d'un véritable engagement, et pas seulement d'une promotion. Mais nous devons aspirer collectivement à aller encore plus loin. C'est le sens du Sommet de Paris.

Personnellement, j'ai trois objectifs principaux et je vous souhaite la bienvenue ici aujourd'hui.

Le premier est d'élargir notre communauté. Depuis 2011, chaque Sommet a vu plusieurs pays rejoindre le Partenariat. Nous serons ouverts lors du Sommet de Paris aux initiatives de nouveaux pays membres potentiels : je pense notamment au Portugal, au Maroc, au Pakistan, au Burkina Faso, Jamaica, Luxembourg et Allemagne. Les dirigeants guinéens et haïtiens ont également fait preuve d'intention. Nous souhaitons que le processus soit étendu à tous les pays, quel que soit leur développement, quel que soit leur continent. Le Partenariat est également ouvert aux régions, aux collectivités territoriales, aux villes – je souhaite aujourd'hui la bienvenue à ceux d'entre nous.

Ma deuxième priorité est de renouveler notre pacte commun. C'est le sens de la déclaration qui sera publié à l'issue du sommet. Il reconnaît que, au cours des cinq années à venir, notre partenariat devrait être évalué en fonction de notre capacité à produire les réformes qui seront concrètement efficaces dans la vie de nos concitoyens.

Chaque pays devrait produire des plans d'action nationaux.

Nous lancerons également de nouvelles alliances entre le secteur public et la société civile afin d'accroître la participation citoyenne dans chacun de nos pays. Nous devons également améliorer la responsabilisation et l'évaluation de l'administration. Et elle doit accélérer sa conversion et sa traduction des décisions de droit de manière concrète dans la vie de tous les jours. Notre ambition c'est aussi élargir la question de la transparence en la mettant au service du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.

Il y a un an, à Paris, dans un contexte totalement différent, particulièrement sobre en raison des attaques terroristes dirigées contre mon pays, nous avons réuni le COP21 et conclu un accord historique pour l'avenir de la planète. Les engagements pris l’année dernière doivent également être évalués: savoir si les fonds promis seront effectivement apurés, ainsi que les contributions et plans nationaux proposés par chaque pays. Il existe un lien direct entre la Conférence de Paris sur le climat et ce Sommet pour un gouvernement ouvert. Ce sommet pour un gouvernement ouvert nous permettra également de nous assurer que ce qui a été déclaré à Paris et ratifié par les pays de la communauté internationale, qui est devenu un engagement, une loi internationale, devrait être efficacement vérifié et contrôlé.

La Déclaration de Paris confirmera également le principe de partage de la propriété commune numérique afin que la technologie puisse permettre la circulation de l'information pour tous et non pour la propriété exclusive d'un quelconque intérêt ou monopole, privé ou public. Nous avons insisté sur la question numérique, sur la numérisation qui est une forme d’expression, d’intervention, de participation, d’innovation, d’imagination, mais qui peut également être capturée par des forces et des intérêts puissants. Nous devrions confirmer notre partition de la propriété commune.

C’est la feuille de route qui devra être fixée par notre sommet et qui nous mènera ensuite à une action concrète de toutes les forces de la démocratie.

Enfin, comme nous l'avons fait l'année dernière, nous devons envisager des alliances et des initiatives concrètes qui réuniront plusieurs pays : ceux qui veulent aller plus loin en termes de transparence, d'ouverture ou de participation démocratique, qui voudront publier marchés publics des données en format ouvert, de constituer des répertoires d'entreprises, d'utiliser les données pour mieux lutter contre la corruption, d'améliorer encore le principe de consultation citoyenne, de permettre à l'environnement d'utiliser toutes les données climatiques. Encore une fois, nous pouvons proposer un programme de solutions.

Mesdames et Messieurs, c'est notre responsabilité aujourd'hui. Il y a une centaine de pays représentés ici, des milliers d'innovateurs qui se sont mobilisés autour de vous afin que notre organisation devienne encore plus forte et relève davantage de défis.

Nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre, car c’est le défi de la démocratie. Si la démocratie ne se renouvelle pas, si elle n'est pas revisitée, si elle n'est pas appropriée par les citoyens eux-mêmes, son déclin est possible et sa contestation grandira. Les populistes saisiront tout ce qui provoque frustration, colère ou insatisfaction. Ils vont même jouer avec les réseaux sociaux et les médias numériques pour diffuser de fausses informations, essayer de rendre des opinions équivalentes, défier ceux qui croient au suffrage universel, considérer qu'il existe en fait un autre système que celui qui donne aux citoyens les moyens de être entendu.

C'est pourquoi notre réunion ne consiste pas uniquement en un échange de bonnes pratiques, en la création d'expériences et en l'évaluation de ce que nous avons pu définir dans chacun de nos pays. Notre responsabilité est beaucoup plus grande. Nous ne devons pas défendre la démocratie comme si elle était attaquée et nous barricader derrière nos institutions. Nous devons faire le contraire: nous devons nous ouvrir, nous devons être transparents, nous devons montrer que nous nous félicitons de toutes les initiatives, que les administrations et les États n'ont rien à craindre des citoyens et que les citoyens ont tout à espérer des États dans la mesure où ils les respectent.

Ce que nous devons viser, c'est que les citoyens veulent la démocratie et que celle-ci leur laisse une place. C'est ce que ce sommet est tout au sujet. Je vous remercie.

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